Viewing room – 13/03Hassan MUSA, Autoportraits avec idées de couleur

HASSAN MUSA
AUTOPORTRAITS AVEC IDÉES DE COULEUR
13.03. - 19.04.2025
Slide Slide

Hassan MUSA Autoportrait aux Anges, 1987 – 1994,

Acrylique  sur bois,

156 x 105 cm 

Contactez-nous

Vue d’exposition, Hassan MUSA, Autoportrait avec idées de couleur, Galerie Maïa Muller

Hassan MUSA, The Food Chain, (Tryptic), 2021,

Huile sur tissus imprimés sur bois,

150 x 170 cm 

Contactez-nous

Hassan MUSA, Autoportrait en pirate somalien, 2015

Encre sur textile,

188 x 214 cm

Contactez-nous

Hassan MUSA, Autoportraits avec idées de couleur, 2003

Encre sur textile

166 x 287 cm

Contactez-nous

Hassan MUSA, Ange, 2022

Encre sur textile

172 x 86 cm

Contactez-nous

Hassan MUSA, Crush (Frida), 2022

Huiles sur tissus imprimés sur bois,

52 x 102 cm

Contactez-nous

Vue d’exposition, Hassan MUSA, Autoportrait avec idées de couleur, Galerie Maïa Muller

Hassan MUSA, Autoportrait avec la vierge Marylin, 2020

Huile sur tissus imprimés sur bois

100 x 52 cm

Contactez-nous

Hassan MUSA, The Queen & I, 2021

Huile sur tissus imprimés sur bois

100 x 100 cm

Contactez-nous

Hassan MUSA, Autoportrait avec erection de la croix, 2007,

Gravure sur bois et encre sur textile,

172 x 146 cm

Contactez-nous

Hassan MUSA, Autoportrait en impressionnant, 2022,

Huile sur toile,

24 x 54 cm

Contactez-nous

PARIS NOIR, Circulations artistiques et luttes anticoloniales, 1950 – 2000

Exposition collective

Centre Pompidou, Paris

19 mars – 30 juin 2025

Hassan MUSA, Autoportrait avec idées noires, 2003,

Encre sur textile,

146 x 233 cm

Contactez-nous
PARIS NOIR, Centre Pompidou, Paris

Dans la tradition occidentale de l’autoportrait, les peintres mettent en œuvre quelque chose de la singularité de leur rapport au monde – Dürer la beauté, Rembrandt le réel, Francis Bacon la vie nue, Andy Warhol la surface… –, en une longue série de mises en scène de soi(s). Hassan Musa, artiste au temps de la pensée critique et de la déconstruction, opte pour une autre manière de se faire face, intime et géopolitique mêlés.Dans ses autoportraits, comme dans toutes ses peintures, sur bois, sur tissus imprimés ou sur toile, à l’encre ou à l’huile, il met à nu les images et les mots d’un grand maëlstrom de références culturelles, en une sorte d’intervisualité qu’il passe au crible de son ironie corrosive, en télescopages d’éléments hétéroclites qu’un humour décalé fait tenir ensemble. En littérature, ses assemblages pourraient relever du zeugme, associant des éléments appartenant à des registres sémantiques différents, ou encore de l’anacoluthe, en discontinuités et anachronismes, en tout cas de l’ellipse et de l’implicite.Voilà pour le diagramme, qui renouvelle le genre.

En archange Gabriel vêtu d’une ample tunique, le voici messager, désignant d’un geste de la main ayant valeur de preuve un grand drapé blanc et vide, son regard impassible et insistant nous prenant à témoins d’une présence/absence et d’un lieu indécidable (« ici ? »), tandis que découpés d’un ciel à la Tiepolo, vêtus de longues robes blanches et mousseuses, quatre anges miniatures animent l’espace. Avec cet Autoportrait aux Anges (1987), Musa emprunte aux représentations traditionnelles des anges dans la peinture européenne, tout en reliant les trois panneaux du triptyque d’un Hadîth, en calligraphie arabe, attestant l’antériorité de la rencontre entre Gabriel et le Prophète : « J’étais Prophète tandis qu’Adam était (encore) entre l’eau et l’argile ». Décidément, les anges appartiennent à tout le monde.

Dans Ange (2002), nu et athlétique, doté d’ailes robustes et d’un nimbe esquissé à la peinture blanche sur fond de tissu provençal, Musa tient une hache, prêt, tel l’archange Michel affrontant de sa lance le dragon de l’Apocalypse, à en découdre avec les misères et les scandales de la terre entière, sur fond d’une profusion de fleurs qui viennent aussi recouvrir partiellement l’image et l’aplatir curieusement. Et l’on se souviendra que Musa dit depuis longtemps ses colères face aux abjections actuelles et passées du monde, « un endroit dangereux dirigé par des criminels ».

Dans son Autoportrait Avec Idées Noires (2003), prenant les mots du titre au pied de la lettre, il s’entoure, sans ailes cette fois, de deux figures féminines condensant, chacune différemment, la violence raciste d’un colonialisme inventeur et consommateur d’exotisme africain. L’une est celle de Joséphine Baker, l’autre celle de Sawtche, alias Saartjie Baartman, jeune fille originaire d’une ethnie sud-africaine, absurdement qualifiée de « Vénus hottentote », ignominieusement devenue objet de « science » et de foire, ici dans la nudité absolue d’un moulage de son corps.

Mais c’est dans un autoportrait démultiplié en trois anges, dont l’un au corps de Batman, retournement, à quelques lettres près, du nom attribué par ses prédateurs, qu’il entoure Sawtche sanctifiée, en arrière-plan d’un tissu saturé de petits dessins d’objets du XIX e siècle, évocation des artefacts de musées ethnographiques longtemps peu soucieux d’éthique, au point d’enrichir leurs collections de pillages de lieux de culte et de corps chosifiés (Worship Objects, 2003).

Il y a bien d’autres sujets d’indignation. Détournant La Grande Vague de Kanagawa d’Hokusai, Musa fait son Autoportrait en pirate somalien au large de Kanagawa (2015), sur fond de tissus imprimés d’avions de chasse et de navires à voile. Mais ici les fragiles embarcations de pêcheurs menacées par les flots déchaînés dans l’estampe japonaise sont occupées par des pirates somaliens, tels ceux qui, dans les années 2000, entreprirent de lutter contre la pêche illégale pratiquée sur leurs côtes par des bateaux venus d’Asie du Sud- Est, d’Iran ou d’Europe, dévalisant les bancs de poissons et anéantissant une indispensable et fragile source de revenus.

Ailleurs, nous voici avec lui gavés de pâtisseries sucrées et colorées, augmentées du portrait de l’icône érotique et non moins industrielle que fut Marilyn Monroe (Autoportrait avec la vierge Marilyn, 2020), cette dernière étant d’autre part placée aux fondements de l’histoire de la peinture et du marché de l’art qu’évoque en raccourci le triptyque The Food Chain I (tryptic), en 2021. Dans celui-ci, de gauche à droite, dos-à-dos et de trois quart, viennent saint Luc – aux traits de Michel Ange – avec pinceau et palette, inventant sans modèle non le portraitde la Vierge Marie comme dans la fresque de Vasari, mais celui d’une sensuelle Marilyn que la canne appuie-main du peintre semble maintenant menacer, puis René Magritte, en une citation de son autoportrait La Clairvoyance (1936), et enfin Musa qui, tout en mimant le geste de Magritte peignant sur le dos de saint Luc, nous regarde le regarder, non-dupes avec lui de la trahison potentielle des images.

Un détail encore : tout à gauche du tableau, à l’origine de l’origine, hors-champ, une main à l’index tendu indique le sens du regard et dans le même geste tient les panneaux peints dont il fait une image dans l’image.
Le tout est ponctué de motifs en surimpression – images dans l’image dans l’image, multipliant les plans avec un effet de profondeur qui est la marque des œuvres de Musa -, toucan, tigre, guépard ou poisson tropical, autant d’animaux en voie d’extinction qu’accompagnent les médaillons lumineux et fleuris d’une Vierge en gloire dans sa mandorle/vulve. Tout près du visage de Musa, se trouve un papillon du genre Yponomeuta, fragile mais capable d’utiliser ses ailes comme un tambour pour éloigner les prédateurs.

Quelquefois, cette grande suite d’emprunts et de détournements dont s’alimentent les images pour s’inventer, peut générer de curieuses associations comme lien est dans Crush (Frida), en 2022. En un percutant raccourci, l’accident qui a brisé le corps de l’artiste mexicaine, dont le grand marché du pop art américain a fait une icône de sa propre histoire, est ici évoqué par des collages d’onomatopées de comics (« Crush ! ». « Blaf ! ». « Ha Ha Ha »…). On pense au Whaam ! (1963) de Roy Lichtenstein, ironique adaptation d’une planchede Men of War, anthologie d’images de guerre en bandes dessinées, et par associations d’idées à l’histoire des relations conflictuelles entre les États-Unis et le Mexique, en une lonque suite d’annexions et de guerres de frontières. Mais ici, l’autoportrait de Musa côtoie celui, renversé et lumineux, d’une irrésistible Frida Kahlo suscitant une autre sorte de crush, coloré cette fois de fascination, d’attirance et de désir.

Sa démarche artistique a beau être un grand dispositif de protestation, Musa en fait aussi un espace de jeu, ses titres – le plus souvent peints sur les œuvres elles-mêmes et faisant partie de la composition – en témoignent, et c’est sous forme de
« blague » (Autoportrait en impressionnant, 2022) qu’il dit son admiration pour les peintres impressionnistes qui ont beaucoup accompagné dans son travail ces dernières années.

Le nonsense, dont on connaît par ailleurs le haut potentiel d’élucidation de la complexité, est quant à lui appelé dans The Queen & I (2021), pour un improbable dialogue entre Musa (I) et la reine Elisabeth (Q), de minuscules effigies virevoltantes d’un Superman portant turban, un portrait de Che Guevara, des piments, tomates et figues – quelques-unes ouvertes et roses venant en surimpression sur les deux portraits, comme il en est d’un texte jubilatoire en lettres gothiques peintes en rouge :

Q: Hassan, now that Philip has passed away, I think we can get married.
I: Elisabeth, you know that | cannot marry you. Je suis déjà marié avec Patricia.

Q: Hassan, you are Muslim, you can marry four wives !
I: Elisabeth, try to understand my position, I am a moderate muslim !

Q: Well, nobody’s perfect !

Les autoportraits si peu narcissiques d’Hassan Musa disent beaucoup de lui, artiste né au Soudan, formé en art à Khartoum, titulaire d’un doctorat d’histoire de l’art en France, où li vit, dessinateur, peintre, calligraphe, graveur, illustrateur, performeur, couseur, « bricoleur » et « faiseur d’images ,» aimant les tissus et les couleurs, critique d’art, grand lecteur et grand regardeur, transformateur d’un inépuisable répertoire culturel sans frontières.

Pour son Autoportrait aux idées de couleurs (2003), le voici nu sur un patchwork de tissus imprimés de fleurs, fraises, raisins et oiseaux, évocations idylliques que viennent contredire, en arrière-plan, les coulures inquiétantes d’une gigantesque explosion. Tout marche ensemble, paradis et enfer, pulsion de vie et pulsion de mort, tolérance et violence. Que faire ?
Envers et contre tout ce qui nous plonge dans la confusion, nous piège et nous menace, les autoportraits de Musa suggèrent de possibles espaces communs de résistance.

Evelyne Toussaint

Historienne de l’art contemporain

Professeure émérite de l’Université de Toulouse Jean Jaurès

Page artiste
Page d’accueil

Viewing room – 13/03Hassan MUSA, Autoportraits avec idées de couleur2025-03-15T15:24:07+01:00

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Hassan MUSA Autoportrait aux Anges, 1987 – 1994,

Acrylique  sur bois,

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Huile sur tissus imprimés sur bois,

150 x 170 cm 

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Encre sur textile,

188 x 214 cm

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Encre sur textile

166 x 287 cm

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Hassan MUSA, Ange, 2022

Encre sur textile

172 x 86 cm

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Hassan MUSA, Crush (Frida), 2022

Huiles sur tissus imprimés sur bois,

52 x 102 cm

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Huile sur tissus imprimés sur bois

100 x 52 cm

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Huile sur tissus imprimés sur bois

100 x 100 cm

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Hassan MUSA, Autoportrait avec erection de la croix, 2007,

Gravure sur bois et encre sur textile,

172 x 146 cm

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Huile sur toile,

24 x 54 cm

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Dans la tradition occidentale de l’autoportrait, les peintres mettent en œuvre quelque chose de la singularité de leur rapport au monde – Dürer la beauté, Rembrandt le réel, Francis Bacon la vie nue, Andy Warhol la surface… –, en une longue série de mises en scène de soi(s). Hassan Musa, artiste au temps de la pensée critique et de la déconstruction, opte pour une autre manière de se faire face, intime et géopolitique mêlés.Dans ses autoportraits, comme dans toutes ses peintures, sur bois, sur tissus imprimés ou sur toile, à l’encre ou à l’huile, il met à nu les images et les mots d’un grand maëlstrom de références culturelles, en une sorte d’intervisualité qu’il passe au crible de son ironie corrosive, en télescopages d’éléments hétéroclites qu’un humour décalé fait tenir ensemble. En littérature, ses assemblages pourraient relever du zeugme, associant des éléments appartenant à des registres sémantiques différents, ou encore de l’anacoluthe, en discontinuités et anachronismes, en tout cas de l’ellipse et de l’implicite.Voilà pour le diagramme, qui renouvelle le genre.

En archange Gabriel vêtu d’une ample tunique, le voici messager, désignant d’un geste de la main ayant valeur de preuve un grand drapé blanc et vide, son regard impassible et insistant nous prenant à témoins d’une présence/absence et d’un lieu indécidable (« ici ? »), tandis que découpés d’un ciel à la Tiepolo, vêtus de longues robes blanches et mousseuses, quatre anges miniatures animent l’espace. Avec cet Autoportrait aux Anges (1987), Musa emprunte aux représentations traditionnelles des anges dans la peinture européenne, tout en reliant les trois panneaux du triptyque d’un Hadîth, en calligraphie arabe, attestant l’antériorité de la rencontre entre Gabriel et le Prophète : « J’étais Prophète tandis qu’Adam était (encore) entre l’eau et l’argile ». Décidément, les anges appartiennent à tout le monde.

Dans Ange (2002), nu et athlétique, doté d’ailes robustes et d’un nimbe esquissé à la peinture blanche sur fond de tissu provençal, Musa tient une hache, prêt, tel l’archange Michel affrontant de sa lance le dragon de l’Apocalypse, à en découdre avec les misères et les scandales de la terre entière, sur fond d’une profusion de fleurs qui viennent aussi recouvrir partiellement l’image et l’aplatir curieusement. Et l’on se souviendra que Musa dit depuis longtemps ses colères face aux abjections actuelles et passées du monde, « un endroit dangereux dirigé par des criminels ».

Dans son Autoportrait Avec Idées Noires (2003), prenant les mots du titre au pied de la lettre, il s’entoure, sans ailes cette fois, de deux figures féminines condensant, chacune différemment, la violence raciste d’un colonialisme inventeur et consommateur d’exotisme africain. L’une est celle de Joséphine Baker, l’autre celle de Sawtche, alias Saartjie Baartman, jeune fille originaire d’une ethnie sud-africaine, absurdement qualifiée de « Vénus hottentote », ignominieusement devenue objet de « science » et de foire, ici dans la nudité absolue d’un moulage de son corps.

Mais c’est dans un autoportrait démultiplié en trois anges, dont l’un au corps de Batman, retournement, à quelques lettres près, du nom attribué par ses prédateurs, qu’il entoure Sawtche sanctifiée, en arrière-plan d’un tissu saturé de petits dessins d’objets du XIX e siècle, évocation des artefacts de musées ethnographiques longtemps peu soucieux d’éthique, au point d’enrichir leurs collections de pillages de lieux de culte et de corps chosifiés (Worship Objects, 2003).

Il y a bien d’autres sujets d’indignation. Détournant La Grande Vague de Kanagawa d’Hokusai, Musa fait son Autoportrait en pirate somalien au large de Kanagawa (2015), sur fond de tissus imprimés d’avions de chasse et de navires à voile. Mais ici les fragiles embarcations de pêcheurs menacées par les flots déchaînés dans l’estampe japonaise sont occupées par des pirates somaliens, tels ceux qui, dans les années 2000, entreprirent de lutter contre la pêche illégale pratiquée sur leurs côtes par des bateaux venus d’Asie du Sud- Est, d’Iran ou d’Europe, dévalisant les bancs de poissons et anéantissant une indispensable et fragile source de revenus.

Ailleurs, nous voici avec lui gavés de pâtisseries sucrées et colorées, augmentées du portrait de l’icône érotique et non moins industrielle que fut Marilyn Monroe (Autoportrait avec la vierge Marilyn, 2020), cette dernière étant d’autre part placée aux fondements de l’histoire de la peinture et du marché de l’art qu’évoque en raccourci le triptyque The Food Chain I (tryptic), en 2021. Dans celui-ci, de gauche à droite, dos-à-dos et de trois quart, viennent saint Luc – aux traits de Michel Ange – avec pinceau et palette, inventant sans modèle non le portraitde la Vierge Marie comme dans la fresque de Vasari, mais celui d’une sensuelle Marilyn que la canne appuie-main du peintre semble maintenant menacer, puis René Magritte, en une citation de son autoportrait La Clairvoyance (1936), et enfin Musa qui, tout en mimant le geste de Magritte peignant sur le dos de saint Luc, nous regarde le regarder, non-dupes avec lui de la trahison potentielle des images.

Un détail encore : tout à gauche du tableau, à l’origine de l’origine, hors-champ, une main à l’index tendu indique le sens du regard et dans le même geste tient les panneaux peints dont il fait une image dans l’image.
Le tout est ponctué de motifs en surimpression – images dans l’image dans l’image, multipliant les plans avec un effet de profondeur qui est la marque des œuvres de Musa -, toucan, tigre, guépard ou poisson tropical, autant d’animaux en voie d’extinction qu’accompagnent les médaillons lumineux et fleuris d’une Vierge en gloire dans sa mandorle/vulve. Tout près du visage de Musa, se trouve un papillon du genre Yponomeuta, fragile mais capable d’utiliser ses ailes comme un tambour pour éloigner les prédateurs.

Quelquefois, cette grande suite d’emprunts et de détournements dont s’alimentent les images pour s’inventer, peut générer de curieuses associations comme lien est dans Crush (Frida), en 2022. En un percutant raccourci, l’accident qui a brisé le corps de l’artiste mexicaine, dont le grand marché du pop art américain a fait une icône de sa propre histoire, est ici évoqué par des collages d’onomatopées de comics (« Crush ! ». « Blaf ! ». « Ha Ha Ha »…). On pense au Whaam ! (1963) de Roy Lichtenstein, ironique adaptation d’une planchede Men of War, anthologie d’images de guerre en bandes dessinées, et par associations d’idées à l’histoire des relations conflictuelles entre les États-Unis et le Mexique, en une lonque suite d’annexions et de guerres de frontières. Mais ici, l’autoportrait de Musa côtoie celui, renversé et lumineux, d’une irrésistible Frida Kahlo suscitant une autre sorte de crush, coloré cette fois de fascination, d’attirance et de désir.

Sa démarche artistique a beau être un grand dispositif de protestation, Musa en fait aussi un espace de jeu, ses titres – le plus souvent peints sur les œuvres elles-mêmes et faisant partie de la composition – en témoignent, et c’est sous forme de
« blague » (Autoportrait en impressionnant, 2022) qu’il dit son admiration pour les peintres impressionnistes qui ont beaucoup accompagné dans son travail ces dernières années.

Le nonsense, dont on connaît par ailleurs le haut potentiel d’élucidation de la complexité, est quant à lui appelé dans The Queen & I (2021), pour un improbable dialogue entre Musa (I) et la reine Elisabeth (Q), de minuscules effigies virevoltantes d’un Superman portant turban, un portrait de Che Guevara, des piments, tomates et figues – quelques-unes ouvertes et roses venant en surimpression sur les deux portraits, comme il en est d’un texte jubilatoire en lettres gothiques peintes en rouge :

Q: Hassan, now that Philip has passed away, I think we can get married.
I: Elisabeth, you know that | cannot marry you. Je suis déjà marié avec Patricia.

Q: Hassan, you are Muslim, you can marry four wives !
I: Elisabeth, try to understand my position, I am a moderate muslim !

Q: Well, nobody’s perfect !

Les autoportraits si peu narcissiques d’Hassan Musa disent beaucoup de lui, artiste né au Soudan, formé en art à Khartoum, titulaire d’un doctorat d’histoire de l’art en France, où li vit, dessinateur, peintre, calligraphe, graveur, illustrateur, performeur, couseur, « bricoleur » et « faiseur d’images ,» aimant les tissus et les couleurs, critique d’art, grand lecteur et grand regardeur, transformateur d’un inépuisable répertoire culturel sans frontières.

Pour son Autoportrait aux idées de couleurs (2003), le voici nu sur un patchwork de tissus imprimés de fleurs, fraises, raisins et oiseaux, évocations idylliques que viennent contredire, en arrière-plan, les coulures inquiétantes d’une gigantesque explosion. Tout marche ensemble, paradis et enfer, pulsion de vie et pulsion de mort, tolérance et violence. Que faire ?
Envers et contre tout ce qui nous plonge dans la confusion, nous piège et nous menace, les autoportraits de Musa suggèrent de possibles espaces communs de résistance.

Evelyne Toussaint

Historienne de l’art contemporain

Professeure émérite de l’Université de Toulouse Jean Jaurès

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Viewing room – Hassan MUSA, Autoportraits avec idées de couleur2025-03-13T12:25:33+01:00

Viewing room – Myriam Mihindou, Le sang des limules

Myriam MIHINDOU, L’intérieur de ses mains roses (Série Le Patron), 2024,

Encre, tranches de livre, soie, calque, papier, graphite, épingles.

72 x 76 cm

Les limules sont des animaux marins dont la morphologie – un corps protégé par un exosquelette articulé, et un sang bleu en raison de la présence de cuivre – est stable depuis des centaines de millions d’années. Traditionnellement consommé.e.s pour l’alimentation, utilisé.e.s comme appât de pêche ou engrais mais plus encore, désormais, dans l’industrie pharmaceutique, les limules sont en fort déclin, tandis que notre survie est mise en balance avec la leur. Leurs cellules sanguines permettent en effet de détecter la présence de bactéries sur le matériel chirurgical, les liquides injectables ou divers médicaments, ce qui nous met au pied du mur : risquer de se voir inoculer une substance mortelle, ou bien, dans l’attente d’un produit de synthèse, sacrifier ces arthropodes, sachant que nombre d’entre eux mourront d’être saignés en laboratoire.

Choisir « Le sang des limules » pour titre d’exposition est une manière, pour Myriam Mihindou, de nous inviter à penser avec elle le monde dans son actualité, dans sa complexité politique, économique et éthique, en résistant à ce qui nous broie, en affirmant notre empathie avec le vivant, et bien sûr, car tel est depuis toujours le fil conducteur de sa démarche artistique, en la suivant dans son projet de lier art et soin.

Encore lui a-t-il fallu inventer ses outils et ses armes – films, photographies, dessins, sculptures et installations –, expérimenter encore et encore la contrainte et la libération, surmonter ses peurs, instaurer des rituels de guérison et d’autoguérison, explorer le lâcher-prise et réactiver les mémoires, redonner sa puissance au féminin, inscrire le rituel dans la matière même, ou secouer la langue pour opposer au désastre quelque chose de bon. Indissociables de cette production multiforme et hypercohérente, les transperformances sont des temps forts d’expérience et de partage, sans ligne de rupture entre le spirituel et le politique, l’intime et l’en-commun.

La série Le Patron (2024) est constituée de feuilles de papier calque et de papier de soie assemblées par des épingles, associant dessins, collages et mots brodés au fil de cuivre. En couture, un patron est un guide, une trame et une méthode. En art, on pourrait y voir, avec Gilles Deleuze, un diagramme, une matrice initiatrice d’un processus de création. Ici, comme souvent dans le travail de Myriam Mihindou, les titres (L’intérieur de ses mains roses) associent image et texte en une même poétique énigme.

L’une des oeuvres porte les mots ARIUM NO AB OVO, ce qui renvoie au lieu indéfini d’impossibles origines, mais elle a pour titre Nota Bene, comme un memento sans objet et sans adresse particulière : à chacun de savoir ce dont il importe de se souvenir ou sur quoi porter son attention. D’autres – Le partage des eaux ; Flumen, Fluminis (fleuve rivière cours d’eau) Commigrare, o,aui,atum (passer d’un lieu à un autre, habiter) ; Carbone océanique – évoquent d’improbables paysages nocturnes, avant peut-être que le langage vienne qualifier et séparer les eaux bleues et la terre, le sang des limules et l’océan primordial.

Evelyne Toussaint

Historienne de l’art contemporain

Professeure émérite de l’Université Toulouse Jean Jaurès

Vue d’exposition, Myriam MIHINDOU, Le sang des Limules, Galerie Maïa Muller

Myriam MIHINDOU, Rhizôme 1/3 (Série sculptures de chair), 1990 – 2000,

Photographie cibachrome couleur contrecollée sur acier, sous plexiglass

110 x 74 cm

Signé et daté au dos

Exemplaire n°1/3 + (2/E.A)

Myriam MIHINDOU, Génésie (Série le Patron),

2024,

Encre, crayon, calques organique et synthétique, thé, feuilles de coton, graphite, épingles,

58,5 x 65 cm

Myriam MIHINDOU, Mademoiselle (Série le Patron),

2024,

Encre, calques organique et synthétique, thé, cuivre, feuille de soie, épingles,

92 x 65 cm

(Réservée)

Vue d’exposition, Myriam MIHINDOU. Le sang des Limules, Galerie Maïa Muller

Myriam MIHINDOU, Flumen, Fluminis (fleuve rivière cours d’eau) (Série Le Patron), 2024,

Encre, calques organique et synthétique, épingles.

115,5 x 49,5 cm

Myriam MIHINDOU, La caucasienne (ou parenté à la plaisanterie) (Série le Patron), 2024,

Encre, calques organique et synthétique, thé, feuilles de coton, épingles,

98 x 105 cm

Myriam MIHINDOU, Carbonne océanique (Série Le Patron), 2024, 

Encre, calques organique et synthétique, épingles.

114 x 50 x 2,5 cm

(Vendue)

Myriam MIHINDOU, Le partage des eaux (Série Le Patron), 2024,

Encre, calques organique et synthétique, épingles.

107 x 50 x 10 cm

Vue d’exposition, Myriam MIHINDOU, Le sang des Limules, Galerie Maïa Muller

Myriam MIHINDOU, Aporie (Série le Patron), 2024,

Encre, calques organique et synthétique, thé, cuivre, feuille de soie, épingles,

67 x 107 cm

Myriam MIHINDOU, Nota Bene (Série Le Patron), 2024,

Encre de Chine, thé, papier de soie, papier, graphite, épingles,

90 x 69 cm

Myriam MIHINDOU, Déchoukaj’ 3 (Série Déchoukaj’ / Haïti), 2004-2006,

Photographie numérique, tirage argentique contrecollé sur dibon,

60 x 90 cm

Exemplaire n°3/3 + (2/E.A)

Myriam MIHINDOU, Solo (Série le Patron),

2020,

Encre, buvard, papier glacé, épingles,

65 x 50 cm

Myriam MIHINDOU, Combat de nègres (Série Le Patron),

2020,

Encre, buvard, papier glacé, épingles,

64 x 50 cm

Myriam MIHINDOU, Choeur (Série Le Patron),

2020,

Encre, buvard, papier glacé, épingles,

64,5 x 49,5 cm

Viewing room – Myriam Mihindou, Le sang des limules2024-12-13T12:12:52+01:00

Viewing room – Ece Bal, Louisa Marajo & Célia Muller, In the Making Chapitre 1

L’exposition In the Making Chapitre 1 met en lumière les oeuvres de trois artistes contemporaines aux pratiques distinctes mais connectées par un même désir d’explorer la création en tant que processus, une quête constante de transformation et de renouvellement. Ece Bal, Louisa Marajo et Célia Muller, chacune avec une vision unique, nous invitent à réfléchir à la façon dont l’histoire se construit au fil du temps, à la croisée de la mémoire, de l’identité et de l’expérimentation.

Pour ce premier chapitre, In the Making propose un regard profond sur la création en tant que processus vivant et dynamique. Chaque oeuvre présentée est un instantané d’une transformation, une exploration de l’histoire en cours.

Vue d’exposition de l’exposition In the Making Chapitre 1 

Constitués de nuances de noirs, de gris et de blancs, les dessins imposent une forme de silence. Ils sont les résultats de gestes et d’incantations envers les éléments, envers la mémoire, envers l’invisible et l’indicible. L’artiste lance des incantations plurielles dans une quête intime où les mots peinent à émerger. Elle manipule ainsi des photographies anonymes, d’autres issues des albums de sa propre famille, d’autres encore qu’elle a elle-même réalisées lors de moments d’isolement. Les images constituent une matière qu’elle va ensuite retravailler en sélectionnant des détails qu’elle va transporter sur la feuille de papier ou la feuille de soie. Le papier de soi. C’est un autoportrait en creux que Célia Muller déploie dans un temps et dans l’espace. Les oeuvres de l’artiste sont présentes dans les collections du Musée Jenisch (Vevey) et de Laurent Dumas, dont les travaux sont exposés jusqu’au 12 janvier 2024 au MO.CO. (Montpellier).

Célia Muller, A bientôt, 2024, Pastels secs sur papier, 150 x 150 cm. Prix : 8 000 Euros

Célia Muller, Poussière, 2024, Pastels secs sur papier, 27,5 x 35,5 cm.  Prix: 1 700 Euros

Célia Muller, The fool, 2024, Pastels secs sur papier, 14,8 x 20,7 cm. Prix: 950 Euros

Célia Muller, Let me enfold you, 2024, Pastels secs sur papier, 28 x 21 cm. Prix: 1 300 Euros

Célia Muller, All you can eat, 2024, Pastels secs sur papier, 28 x 21 cm. Prix: 1 300 Euros

Louisa Marajo, Chaos – souffle, 2021, Technique mixte sur impression papier bamboo hahnemule, 70 x 50 cm. Prix 1 700 Euros

Vue d’exposition de l’exposition In the Making Chapitre 1 

Vue d’exposition de l’exposition In the Making Chapitre 1 

Le travail d’Ece Bal explore les interactions entre le visible et l’invisible, le vivant et le non-humain. À travers une approche multisensorielle, elle utilise des matières organiques qu’elle transforme par des processus chimiques, évoquant le lien entre microcosme et macrocosme. Ses oeuvres, inspirées par la technique traditionnelle de l’ebru, allient science et intuition. Chaque création interroge la mémoire collective et individuelle, en posant un regard poétique sur la relation entre nature et culture, corps et cosmos. Elle a exposé dans de nombreuses institutions, notamment au Louvre (Paris), à la Tate Modern (Londres) et à l’Arter (Istanbul).

Ece BAL, Hildegard, 2021, pigments naturels sur toile, 148 x 98 cm. Prix: 3 700 Euros

Ece BAL, 41 gouttes, 2019, pigments naturels sur toile, 50cm diam. Vendu

Ece BAL, 70 gouttes, 2019, pigments naturels sur toile, 40cm diam. Prix: 1 250 Euros

Ece BAL, 51 gouttes, 2024, Carbonate de calcium sur miroir non réfléchissant, 14 x 10,4 cm. Prix : 500 euros

Ece BAL, 67 gouttes, 2024, Carbonate de calcium sur miroir non réfléchissant, 15 x 9,6 cm. Prix : 500 euros

Ece BAL, 32+21 gouttes, 2024, Carbonate de calcium sur miroir non réfléchissant, 15 x 10 cm. Vendu

Ece BAL, Cerise IV, 2024, Noir de cerise sur papier, 26 x 18 cm. Prix : 700 euros

Ece BAL, Cerise V, 2024, Noir de cerise sur papier, 26 x 18 cm. Prix : 700 euros

Ece BAL, 126 gouttes, 2016, suie sur papier, 64 x 50 cm. Prix : 2 600 Euros

Louisa Marajo fait l’expérience du dessin ou de la peinture en l’articulant autour et avec la photographie de ses propres peintures. Ses oeuvres sont tels des échafaudages, mobiles et réutilisables. Tout y est mouvement. Ses installations nous plongent dans un labyrinthe où la peinture se transforme et se mélange à la photographie pour s’aventurer vers la sculpture dans une mise en scène tout à la fois chaotique et ordonnée. Dessiner ajoute un nouvel espace corporel à son imaginaire. C’est une recherche où l’artiste interroge sa propre histoire afin d’analyser un monde qui tombe en morceaux. Louisa Marajo a exposé ses oeuvres dans des institutions telles que la Fondation Clément (Martinique), le Pérez Art Museum (Miami), et la Biennale de Dakar. Ses oeuvres sont présentes dans les collections publiques, notamment le CNAP et le Musée d’Art Contemporain de Martinique.

Louisa Marajo, Traverser la mer, 2022, Technique mixte sur impression papier bamboo hahnemuhle, 28 x 40 cm. Vendu

Louisa MARAJO, Méduses volcaniques liquides, 2023, Technique mixte sur papier, 49 x 37 cm. Prix 1 300 Euros

Louisa MARAJO, Pétrole et sargasse, 2024, Technique mixte sur papier, 170 x 120 cm. Prix 4 500 Euros

Louisa Marajo, La méduse volcanique, 2023, Technique mixte sur impression papier bamboo hahnemule, 65 x 50 cm. Prix : 1 600 Euros

Louisa Marajo, La méduse volcanique – cendres n°2, 2024, Technique mixte sur impression papier bamboo hahnemule, 64 x 50 cm. Prix : 1 600 Euros

Louisa Marajo, La méduse volcanique – cendres, 2024, Technique mixte sur impression papier bamboo hahnemule, 64 x 50 cm. Prix : 1 600 Euros

Louisa Marajo, Rafale, 2022, Mine de plomb, allumettes, traces de fumées et peintures, 21 x 29,7 cm. Vendu

Viewing room – Ece Bal, Louisa Marajo & Célia Muller, In the Making Chapitre 12024-10-23T15:50:34+02:00

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